Newsletter #10 - 2024 : L'ère du Servant Leadership, pour aller vers un management humain et efficace
Thématique : Management & Pouvoir
En ce début de mars, nous plongeons au cœur d’un sujet qui est, peut-être, aussi ancien que l’humanité : le Management et le Pouvoir.
Dès l'évocation du mot 'pouvoir', quelles sont les premières images, les mots, les sensations qui surgissent dans votre esprit ?
Une tour d'ivoire isolée, symbole de décisions prises loin du terrain ? L’image d’un leader charismatique, à la fois attractif et répulsif ? Ou peut-être une pointe de méfiance, voire de fatigue à l'idée de devoir naviguer dans des dynamiques de jeux de pouvoir dans votre quotidien professionnel ?
Ces réactions spontanées révèlent la complexité et la charge émotionnelle que le concept de pouvoir peut porter. Il est souvent galvaudé et caricaturé. Il souffre de préjugés et de malentendus qui limitent bien souvent l’exercice du management. Cependant, il en représente une facette incontournable, riche d'implications.
Préparez-vous à une exploration sous plusieurs angles, où nous chercherons à comprendre ses mécanismes, ses impacts, et comment l'exercer de manière éthique et efficace.
Et le premier axe choisi est celui du leadership, qui tel qu’il est conçu traditionnellement, place au-devant de la scène la figure du leader, souvent perçu comme “un héros” puissant et charismatique.
L'évolution des rôles au sein de la société, notamment la place croissante des femmes dans des positions de leadership, ainsi que la reconnaissance de la nécessité et de la volonté de coopération, mettent en lumière les limites de ce modèle “classique” qui incarne un rapport au pouvoir souvent trop fort, directif, démotivant et illusoire quant à la capacité à engager dans de nombreux contextes.
Pour exemple, récemment, lors d'une séance de coaching, un manager exprimait son malaise depuis son entretien d’évaluation face à l'injonction de son propre manager qui lui demander de « développer son leadership ». Se percevant comme un “homme de l'ombre”, il comprenait devoir jouer un rôle, apprendre à camper un leader expansif pour prendre “la lumière” et se mettre en avant, alors que ce qui le motivait était avant tout de faire avancer le projet d’une façon collaborative, plus douce et participative.
Et je pourrais en citer bien d'autres.
Les besoins sociaux et organisationnels appellent à une approche plus inclusive et collaborative.
Pour sortir de ce modèle, il est important d'en proposer d'autres. Cela nous conduit à explorer des modèles alternatifs, capables de répondre aux défis complexes d'aujourd'hui, tel que le Servant Leadership.
Le Servant Leadership
La Genèse : une révolution douce dans le monde du management
Cette réinvention du rôle du leader, loin d'être une utopie, trouve ses racines dans l'intuition et l’expérience concrète de Robert Greenleaf. Entre 1929 et 1964, il construit son expérience professionnelle et gravit les échelons au sein d’une grande entreprise américaine AT&T.
Il y observa les limites des modèles autoritaires et charismatiques et analysa l’impact des managers qui agissaient davantage dans le soutien pour répondre à la fois aux besoins de chaque employé et de l’organisation.
Influencé entre autres, par une éthique judéo-chrétienne, il développa après sa retraite une série d’essais pour explorer le concept de Servant Leader dont en 1970, The Servant as Leader.
Il propose de renverser la pyramide traditionnelle du pouvoir : plutôt que de considérer les équipes au service de la direction. N’est-ce pas à la direction d’être au service des équipes ?
Le servant leadership ne se contente pas de remettre en question le rôle traditionnel du leader ; il propose une révolution douce mais profonde dans la manière de concevoir le management et le leadership. En plaçant les besoins des collaborateurs et des parties prenantes au cœur de sa démarche, ce modèle encourage les managers à adopter un regard neuf sur leur rôle.
Cette théorie connait un regain d’intérêt au niveau théorique et empirique depuis les années 2000.
La Philosophie : le servant leader est un leadership de service.
Ce modèle de leadership se fonde sur l'idée que le manager doit aider ses collaborateurs à exploiter pleinement les opportunités offertes par l'organisation.
Le manager se met ainsi au service de ses équipes, elles-mêmes au service des clients.
C'est une invitation à repenser le leadership non pas comme une quête de pouvoir individuel, mais comme une mission de facilitation et de soutien au service d'un objectif commun.
Cette approche nécessite une compréhension profonde de la réalité quotidienne des collaborateurs pour adapter les ressources et les demandes de manière à favoriser la productivité et la réussite collective.
Dans cette perspective, le leader doit prioritairement aider soit directement soit indirectement (en créant les conditions de travail adéquates) chaque collaborateur (ou équipe de travail) afin qu’il (ou qu’ elle) puisse accomplir ses tâches dans les meilleures conditions.
Daniel Belet
J’ai eu récemment une cliente qui, me faisant part de son vécu, m'en a donné un exemple flagrant.
Elle revenait du Canada où elle avait travaillé plusieurs années. Elle se retrouvait dans la même entreprise, à devoir se réadapter à une culture managériale qu’elle ne comprenait plus. Elle souligna, en France, une tendance des managers à multiplier et accumuler les demandes de missions et d’actions sans en construire ni vérifier la faisabilité.
Dans ce fonctionnement qui illustre un management directif et réactif, les ajustements interviennent uniquement en cas d'urgence : quand cela ne passe plus.
Ce mode de management contrastant fortement avec la vision proactive et soutenante du servant leadership qu’avait vécu ma cliente dans son expérience canadienne.
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