L'intelligence émotionnelle émerge comme un élément crucial du leadership et du management. Longtemps reléguées au second plan derrière l'intelligence cognitive, les émotions commencent à prendre leur place légitime dans la sphère professionnelle.
1. Qu’entendons-nous par intelligence émotionnelle ?
L'intelligence émotionnelle (IE) est un concept émergeant depuis les années 1990 qui a été éclipsé par l'intelligence cognitive pendant 2000 ans en Occident.
Des figures philosophiques telles qu'Aristote, qui accordait une primauté à la pensée rationnelle, ainsi que René Descartes, avec son dualisme entre le corps et l'esprit, ont contribué à cette tradition mettant la dimension émotionnelle au second plan.
Notre héritage intellectuel a participé à maintenir un déséquilibre entre raison & émotions dans notre compréhension de la complexité humaine.
Aujourd’hui, il s’agit d’aller au-delà de ce déséquilibre, malgré la difficulté que l’IE puisse parfois être porteuse de fantasmes ou l'objet de critiques acerbes, elle revêt un réel intérêt dans un contexte où l'exigence émotionnelle est forte.
Tout manager ou leader se doit de questionner cette dimension, la reconnaissant comme un élément clé pour avancer sereinement et efficacement dans un environnement professionnel en constante évolution et challengeant.
Définition :
L'intelligence émotionnelle se définit comme la capacité à agir en "intelligence" avec ses émotions et celles des autres. Ce double aspect, agir vis-à-vis de soi et des autres, est fondamental dans notre quotidien.
Nous faisons appel à notre intelligence émotionnelle au quotidien dans tout ce que nous faisons. Elle influence la façon dont :
Nous nous percevons et nous nous exprimons
Développons et maintenons des relations sociales
Agissons en contexte dont sous stress
Utilisons les informations émotionnelles de façon efficace et appropriée
L'Impact de l'Intelligence Émotionnelle sur le Leadership et la Performance de l’Entreprise
Globalement, l’intelligence émotionnelle joue un rôle important dans la réussite, l’efficacité, le bien-être, la santé mentale et la capacité d’adaptation.
Bien plus qu'une simple compétence, elle se révèle être un catalyseur de leadership.
Différentes recherches dont, entre autres, celle menée par D. Goleman en 1998, auprès de 200 entreprises, soulignent le lien entre un leadership reconnu et un niveau d'intelligence émotionnelle élevé.
Cerise sur le gâteau, l'importance de l'intelligence émotionnelle ne se limite pas à un avantage individuel. Certaines études mettent également en évidence l’existence de relations positives entre la performance d’une entreprise et le niveau d’IE du dirigeant.
On peut donc penser qu’investir dans le développement de l'intelligence émotionnelle n'est pas seulement un choix judicieux pour le leadership, c'est un impératif pour toute entreprise cherchant à prospérer dans le monde professionnel actuel, si exigeant.
2. Bien-vivre avec les émotions dans son quotidien professionnel
L'intelligence émotionnelle, bien qu'incontournable, n'est pas ni la panacée, ni une formule “incantatoire”. Comme tout concept à la mode, elle doit être abordée avec discernement.
Pour y aider, il est important de définir ce concept à partir de théories assez solides et de relier les informations à des comportements clés du quotidien qui « traduisent » dans la vraie, ce que peut être notre intelligence émotionnelle.
Il existe plusieurs modèles. Pour ma part, je m’appuie autour de ce sujet, sur l’approche développée par le psychologue clinicien et chercheur Reuven Bar-On, un des théoriciens de l’intelligence émotionnelle. Son outil, l’EQ-I a fait l’objet du plus grand nombre de recherches psychométriques.
Pour R. Bar-On, “ l’intelligence générale comporte deux dimensions, l’une cognitive, l’autre non cognitive qu’il appelle l’« intelligence émotionnelle, personnelle et sociale ». En effet, Bar-On définit cette autre part de l’intelligence comme « un ensemble de capacités et d’habiletés émotionnelles, personnelles et sociales qui joue sur l’aptitude à composer avec les demandes et les pressions environnementales »” (Janel Gauthier , Serge Larivée, l’intelligence émotionnelle : conceptualisation et évaluation).
Les 5 dimensions de l’Intelligence émotionnelle
Elle peut être évaluer à partir de ce que l’on nomme le Quotient Emotionnel. Il se construit autour de différents dimensions, interdépendantes les unes avec les autres.
Ce modèle est dynamique, il ne s’agit pas de “figé” un résultat mais de comprendre comment les émotions influencent ces différentes dimensions et favorisent (ou limitent) bien-être & efficacité.
A chacune de ces dimensions sont reliées 3 composantes. Au total 15 composantes nourrissent l’IE.
La perception de soi : amour-propre; réalisation de soi ; conscience de soi émotionnelle
L’expression individuelle : expression émotionnelle ; affirmation de soi ; indépendance émotionnelle
Les relations humaines : relations humaines, empathie, responsabilité sociale
La prise de décision : résolution de problèmes ; sens de la réalité ; contrôle des impulsions
La gestion du stress : flexibilité ; tolérance au stress ; optimisme
Le modèle EQ-I
Quelques exemples pour comprendre l’IE à l’œuvre en situation.
Imaginons un manager ayant une forte conscience de lui-même et de sa réalisation personnelle, mais présentant une empathie limitée envers les autres. Lorsqu'il fournit des feedbacks, ses maladresses et son focus sur lui-même risquent de négliger les besoins des autres, particulièrement en situations de tension.
Prenons le cas d'un chef de projet extrêmement optimiste, mais dont le sens de la réalité est moins développé. Son enthousiasme peut avoir des répercussions sur le mode de travail, les décisions prises, et potentiellement mettre les équipes sous tension, risquant de les épuiser. D’autant, qu’il pourra avoir une mauvaise gestion du temps, minimisant le temps nécessaire pour faire les choses.
Dernier exemple, imaginons un directeur commercial se lançant dans une nouvelle mission. Il a une dimension réalisation de soi forte. Cependant, il peut souffrir d'un amour-propre moins développé, générant un sentiment d'imposture. Cette fragilité intérieure se manifeste par une tendance à vouloir trop en faire, provoquant une forme d'insécurité. Ces aspirations pourront alors se traduire par un temps excessif consacré à ses dossiers, un besoin constant de feedback et de preuves pour se sentir bien, et un stress supplémentaire, surtout en période d'adaptation à cette nouvelle fonction.
Ces exemples soulignent l’importance des émotions dans le contexte professionnel et mettent en lumière ce concept d’'intelligence émotionnelle. Pour chacun d’eux, renforcer l’intelligence émotionnelle revenant à aller chercher un meilleur équilibre entre les différentes dimensions.
Des stratégies d'accompagnement et de “gestion” des émotions peuvent être cruciales pour permettre une prise de fonction réussie et une meilleure efficacité.
Pour aller plus loin…
En mode solo : 2 livres essentiels pragmatiques, apportant un “outillage” concret
Isabelle Filliozat, Que se passe -t-il en moi ?: Mieux vivre ses émotions au quotidien
Bernard Anselem, Ces émotions qui nous dirigent : comprendre nos émotions, cultiver ce qui nous renforce, optimiser nos choix de vie
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